Je lisais tout récemment un livre sur la grande prématurité et s'y trouvaient de nombreux témoignages de parents de grands prématuriés ou poids plume. On parle alors de bébés comme le capitaine, né entre 23 et 26 semaines de naissance, à la limite du seuil de viabilité.
Et dans chaque drame, chaque histoire, se trouvaient le courage et l'espoir de ces parents qui ont souvent vu leur vie basculer à l'arrivée impromptue de leur progéniture.
Pour ceux qui n'ont jamais eu à vivre cet état de chose voilà comment ça se passe.
À l'hôpital, on vous apprend qu'en conséquence de certains problèmes irrésolubles, vous devrez accoucher." Mais il est trop petit!" sera votre première réaction. Peut-il vivre?
Selon le centre où vous êtes et la disponibilité d'une équipe de néanatalogistes on vous informera des statistiques de vie qu'il peut avoir de survivre. Tant de % pour 23 semaines, tant de % de risques de séquelles et ainsi de suite. À 27 semaines, on touche le 90% de chances de survie. Et s'ensuit une liste exhaustive de toutes les séquelles, mineures et graves dont pourra garder bébé allant de la plus mineure à la plus grave.
Alors on repose la question aux parents: voulez-vous qu'on réanime junior?
On vient de me faire miroiter 90% chances de survie, pourquoi je dirais non?
Après avoir passé une année entière à lire, à m'informer sur le sujet voici ce que j'en pense dorénavant.
Un hôpital se doit d'avoir de bonnes statistiques. Les bonnes statistiques vont avec les bonifications et la cotation de l'hôpital. Les médecins travaillant en néonatalogie, aussi empathiques puissent-ils être, aiment les défis. Sauver une vie à 23 semaines à la limite même de la vie en est un grand défi. Avec un D majuscule. Certains pays comme la Belgique, impose un seuil de vie de 25 semaines avant de tenter la réanimation. Ici au Canada, il n'y a pas de limite.
Lorsqu'on demande aux parents s'ils désirent la réanimation de leurs poupons, je présume que la plupart diront oui. Ce qu'on ne leur dit pas cependant, c'est que les 2/3 de ces enfants auront des séquelles qui changeront une vie. Certaines seront très vivables, certaines représenteront une longue marche dans le désert pour la durée de vie des enfants: paralysie cérébrale, retard mental, développement cognitif lent, atteinte de trouble envahissant, etc.
J'ai lu l'histoire de ce petit gars qui à 10 ans est en fauteuil roulant, et porte encore des couches. On l'a réanimé à 24 semaines.
Ma réflexion s'est ensuite arrêtée sur le traitement que recevront ces enfants "différents" dans la société. Le manque cruel de ressources pour aider les parents, les interminables listes d'attente qui n'aboutissent nulle part si on ne connait pas quelqu'un pour accélérer le processus. Encore une fois, la loi de la jungle. Si je crie plus fort que toi, serai-je plus entendue?
Ce que j'ai pu en conclure, c'est qu'encore une fois, les gens ne se fient qu'en la médecine, se retounant vers le médecin-Dieu tout puissant qui sait. Et bien non, voilà, il ne sait pas. Il présume et espére les miracles. Car des miracles, il y en a. Certains s'en sortent avec presque rien. C'est très loin d'être la majorité. La plupart demeure stigmatisée physiquement et psychologiquement par leur arrivée très précoce.
Tout dépendra alors de la croyance, de la foi des parents. Certains ne voudront jamais abandonner leur enfant peu importe le châtiment imposé par leur Bon Dieu. D'autres pousseront la réfléxion plus loin à se demander, comment adapterons-nous notre maison s'il demeure paralysé? Sera-t-il heureux de ne pas pouvoir être comme les autres? Qui s'en occupera s'il m'arrive quelque chose? Sera-t-il maltraité?
Voilà le lourd constat de ma réflexion. Je n'ai jamais regretté d'avoir débranché mon fils même si ce jour-là, une partie de mon coeur de maman m'a quitté en même temps que lui. Il était trop atteint. Dans les %, les pires s'accrochaient désespéremment à lui. Je n'avais pas envie de lui avoir donné la vie pour qu'ensuite, il ne puisse en voir aucune couleurs.
Le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, aime performer. Cependant, dans cette performance maudite, on oublie souvent la portée à long terme. Je quitterai ici en citant le docteur Michael Whitfield, néonatalogiste à Vancouver: "Les familles, les néonatalogistes, les puéricultrices et toute la société sont confrontés à un grave dilemme si les moyens mis au service des soins intensifs en période néonatale pour assurer la survie de ces enfants ne sont pas assortis des mêmes moyens pour financer les soins complexes qu'ils réclament tout au long de l'enfance et au-delà."
Ça, à l'hôpital, ils oublient de le mentionner. Est-ce que ça pèserait dans la décision? Peut-être si, peut-être pas. Le choix est tellement émotif. Mais en même temps je ne cesse de me poser la question: pourquoi les sauver si ensuite, on est incapable de les aider à se développer au maximum de leurs capacités? Énigme de société.